Ni beaux ni laids

Une lueur dorée réveille les pensées endormies de Rachel.

Son enfance se défroisse et des rires bondissent sur les murs de sa chambre.

Grand-maman entre en silence les bras chargés de fleurs et Rachel éclate de

joie. Cela sent si bon des pétales de tendresse. Sans attendre, elle supplie

grand-mère «  viens allons cueillir des fraises » et Rachel glisse

sur le parquet de la pièce pour traverser toute la grande maison avec

grand-maman. Sans se laisser des yeux, elles partent dans les champs et Rachel

de sa bouche gourmande rougit de plaisir. Pour la première fois depuis des

années, le corps de Rachel devient aussi léger qu’un oiseau sortit du nid. Sur la

fresque de sa vie, Rachel entend à nouveau les pas du temps courir. Dans son

ciel bigarré, les saisons ont parfumé et enseveli chacune à leur tour son cœur,

mais son âme ne s’est jamais effeuillée complètement. Rachel a toujours vécu

dans l’attente d’un prochain printemps. Les souvenirs se déversent avec la

force de la marée et Rachel balance ses angoisses loin en arrière et recueille

sur ses lèvres des baisers réinventés.

Soudain, Rachel entrevoit une forme blanche et elle voit grand-mère

lui tendre les bras. Une étoile perce le voile de sa nuit. Rachel n’entend plus

les pleurs du vent, le calme s’installe et la neige peut la recouvrir de son

linceul. Rachel ouvre les yeux une dernière fois. Puis, elle esquisse son

dernier pas de danse pour se camoufler dans les replis du tablier à l’odeur de

lavande, de rose et d’amour de grand-maman. Rachel a retrouvé sa maison.

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